Accompagnés, dans le sauvage

 

 

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Ali Hmiddouch : On a l’impression que ce que vous proposez s’apparente à une sorte de mystique sauvage, dans la mesure où il y a le réel et où il y a un saut à faire. Il n’y a pas vraiment d’accompagnement, ou juste un accompagnement théorique, mais c’est quelque chose d’effrayant. Or dans la plupart des traditions mystiques il y a quand même un accompagnement progressif, un encadrement assez serré. Et là c’est quand même quelque chose d’assez violent, et qu’on fait plus ou moins seul. C’est une approche qui peut nous laisser démunis. Il y a l’accès par le livre, et puis il y a le réel…

 

 

Serge Valdinoci : Ce que j’essaie de faire dans les livres, c’est pousser les gens, presque immédiatement, et ça, ce sont les raisons de ce qu’on appelle mon opacité « intellectuelle ». Je mets les gens… je rentre directement dedans. Et ça c’est une sélection. Avec ça, si ça ne suffit pas, il y a une tradition mystique intéressante, en France notamment, en Allemagne, et cette petite tradition – qui est moins grande que celle dont vous parlez, qui est énorme –, cette tradition donne un peu l’équivalent d’un accompagnement, cette mouture d’accompagnement.

En fait je ne veux pas produire un chemin. Je dis non, il y a plus essentiel à faire.

 

 

Ali Hmiddouch : Ce qui est intéressant, c’est qu’à la fois vous bousculez très fortement le lecteur, mais en même temps vous prenez aussi par la main. Il y a à la fois quelque chose de très doux et de très violent qui se donne en même temps. C’est une écriture, c’est vrai, j’allais dire : énergétiquement très chargée, en fait, quelque chose passe dans cette écriture…

 

 

Serge Valdinoci : J’ai conscience de beaucoup charger l’émotion au niveau électrique au départ, et –  c’est sans prétention aucune – je finis souvent dans la douceur… si c’était trop pour la personne qui est en face. Je me dis bon, on va équilibrer un petit peu, on va essayer de prendre la main, assez souvent…

 

 

F. de Dieu : Mais dans cette logique de l’accompagnement, vous étiez quand même un des seuls professeur de l’université de Reims à avoir conscience que, former un étudiant pour qu’il pense, c’était être présent pour lui pendant quatre ou cinq ans, qu’il y avait un vrai travail d’appui, de soutien psychologique, qu’il fallait composer avec les types de transfert entre le professeur et l’étudiant. Ce qu’on ne voyait pas faire par d’autres collègues. Il y a quand même un accompagnement affectif, ou amical auquel vous teniez.

 

 

Serge Valdinoci : Ce que vous dites est vrai, j’étais là, pas pour faire une carrière, c’est-à-dire finir à Paris, j’étais là pour les étudiants. Et effectivement j’espérais les avoir pendant quatre ou cinq ans, de façon à produire des hommes ou des femmes et à leur faire tâter le chaos. Quelque fois je sentais bien dans mes cours que ça s’évadait, ça partait… Je voulais ainsi leur dire qu’un cours de Fac, ce n’est pas un cours qu’on prend sur un papier et qu’on recrache un jour d’examen. Je ne sais pas si tous l’ont compris, loin de là. Mais en tout cas, c’était mon but radical à Reims, je ne cherchais que ça. Je n’ai jamais fait d’administration.

 

 

 

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